jeudi 23 février 2012

Expo-Langues 2012

Une visite en coup de vent


Le 3 février dernier, j'ai bravé un froid de canard pour retrouver une sensation vieille de 30 ans, celle de l'étudiant paumé venu chercher des idées d'avenir dans un salon d'étudiant.

L'idée m'est venue en découvrant une affiche dans le métro. « Expo-Langues 30ème édition, Les langues du monde, le monde des langues ». Je me suis dit : « Aujourd'hui, si j'ai 20 ans, un bac en poche, et déjà une ou deux années de fac derrière moi, si la voie que j'ai prise, souvent par défaut, est sans intérêt ou totalement bouchée, pourquoi ne pas aller voir du côté des langues ? ». Un raisonnement tenu par beaucoup. 

Nous sommes à la Porte de Versailles, pavillon 4 . Passée l’habituelle distribution de prospectus, le visiteur découvre un univers assez feutré, plutôt féminin et intello. J'emboîte le pas à deux étudiantes qui, comme moi, viennent d'arriver.

Deux copines de fac probablement. Les visages sont tendus, ça sent la corvée. Les filles déambulent d'abord au hasard, semblent chercher puis se précipitent sur le stand de la Commission Européenne. Là, elles piochent dans les présentoirs, raflent quelques brochures et puis s'en vont sans même répondre au sourire des hôtesses. Je les vois se diriger vers la sortie et disparaître. Durée de leur visite, moins de cinq minutes.

L'interprétariat trimbale deux préjugés l’empêchant de devenir tendance.

Pourquoi le stand de la Commission Européenne et seulement celui-là ?
Je décide de m'y attarder et je comprends vite pourquoi il attire du monde.
L'Europe a besoin d'interprètes, de beaucoup d'interprètes. Elle en possède 1000 en interne, auxquels s'ajoutent 3000 indépendants accrédités. Avec ses 23 langues officielles et ses 18 000 réunions annuelles, c'est une fourmilière linguistique unique au monde, une porte à laquelle on peut venir frapper.

Reste, pour un jeune, à sauter le pas. L'interprétariat trimbale deux préjugés l’empêchant de devenir tendance. 
Le premier vient de l'apparente difficulté de la traduction simultanée des paroles d'un autre. Pour beaucoup, l'exercice relève de la magie alors qu'il est fondé sur un apprentissage et des techniques largement éprouvées.

La seconde idée reçue est la nécessité d'être polyglotte, d'être une bête en langue, capable de converser en russe, en bulgare, en flamand et/ou en portugais... C'est faux, bien sûr. On vous demande surtout d'être fort dans votre langue maternelle, le but étant de la restituer le mieux possible.

Faut-il pour autant que je me déplace dans un salon pour l'apprendre ? Non.
Nos deux étudiantes si pressées n'ont pas dû faire grand-chose de leur doc. A part découvrir qu'il existe une vidéo officielle sur You Tube.
En effet, un clip de 7 minutes et 13 secondes fait la promotion de l'interprétariat au sein de l'Europe. Un tantinet austère, il répond néanmoins à de nombreuses questions au travers de témoignages courts et pragmatiques. Cette vidéo, titrée « Interpréter pour l'Europe », a été vue près de 50 000 fois. Le problème est qu'elle a été postée il y a deux ans.
Avec ses 240 millions d'euros de budget annuel, la Direction Générale de l'Interprétariat serait bien inspirée de rafraîchir sa communication à destination des jeunes. Et en particulier sur le Net.
La nouvelle génération est effectivement très « salon ». Mais plutôt chez elle, devant l'ordi.

Nicolas Roiret
Pour Translateo.


URL vidéo « Interpréter l'Europe ».

mardi 7 février 2012

Traduction automatique

Les promesses d'une utopie 
 
New York, le 7 janvier 1954. Le gratin du journalisme est convié dans les locaux de la société IBM pour assister à une démonstration inédite et pleine de promesses.
Initiée par le gouvernement américain, sous la houlette de l'Université de Georgetown, elle vise à prouver qu'une machine peut comprendre une langue étrangère.
Imaginez-vous une scène pour le moins vintage, où l'ordinateur à la taille d'un buffet de salon et se nourrit de cartes perforées. L'assistance retient son souffle. Devant elle, l'IBM 701, le calculateur le plus puissant du monde, traduit en anglais des formules chimiques, des théorèmes mathématiques et des citations philosophiques écrites en russe. 


 
A l'époque, l'affaire fait grand bruit et nourrit un climat d'émerveillement technologique. Beaucoup, dans cette avancée, voient le début d’une ère nouvelle, la fin des barrières linguistiques qui mènent à l'incompréhension entre les peuples.
Placée en une de tous les journaux, l'expérience révèle au grand public l'existence même des ordinateurs, ces machines semblables à des « super cerveaux », une formule médiatique qui fait mouche. Au début des années 50, le modernisme fascine car il n'a pas encore montré ses limites.
  

Dans l'ombre, la CIA et le ministère de la Défense américain partagent ce bel enthousiasme, mais pour d'autres raisons. La Guerre Froide nécessite de gros moyens en traduction. La  course  folle que se livrent l’URSS et les USA dans l'armement, la fission de l'atome et la conquête de l'espace obligent chaque camp à traduire ce que l'autre édite. L'engorgement guette.
En 1954, tous les espoirs se tournent alors vers la traduction automatique. La communauté scientifique est chargée d'achever le travail entamé jusqu'alors. Les crédits sont débloqués. Tout le monde y croit. Y compris les Russes qui, de leur côté, lancent un vaste programme pour résoudre l'énigme du langage. 

Les ingénieurs raisonnent « message à casser », ils partent du principe qu'une langue est un code.

Car c'est ainsi que le problème est posé. Comment réduire une langue à une série d'équations mathématiques, en prendre le contrôle et la faire parler. Pour cela, et dans une logique fort militaire, les ingénieurs raisonnent « message à casser ». Ils partent du principe qu'une langue est un code, complexe certes, mais un code auquel doit répondre un autre code chargé de le traduire. Cette certitude va durer 4 ans. En 1958, une poignée de savants s'interrogent sur la possibilité d'atteindre le but fixé. L'argent coule à flots mais les travaux n'avancent guère. En 1964, le gouvernement américain commande un rapport sur le bien-fondé de la traduction automatique. Deux ans plus tard, l'ALPAC (Automatic Language Processing Advisory Committee) remet des conclusions qui feront date. Pour lui, la traduction automatique est coûteuse, de qualité médiocre et sans avenir. Une langue n'appartient qu'aux hommes. Et les machines n'y peuvent rien.

Le désintérêt pour la discipline est immédiat. La traduction automatique est rangée au rayon des utopies. Au début des années 80, les Japonais s'y intéressent de nouveau et l'adaptent à leurs activités. Champions de l'exportation, ils utilisent des programmes pour traduire leurs modes d'emploi et leurs descriptifs de produits. Plus récemment, avec l'avènement du Web et l'utilisation des statistiques, Google revigore la traduction automatique sans pour autant en éviter les travers.

Depuis 45 ans, nous savons qu'un ordinateur ne peut et ne pourra jamais traduire correctement une langue dans une autre. Malgré, parfois, l'illusion du contraire...

Nicolas Roiret
pour Translateo.

jeudi 2 février 2012

Omron Software

L'appli qui traduit

Une application développée par le Japonais Omron permet désormais de traduire en temps réel le texte que vous filmez avec votre smartphone. Pour l'heure, il ne concerne que quelques mots ou expressions en japonais, anglais, coréen et chinois. Mais à terme, ce type de logiciel devrait couvrir une cinquantaine de langues et des millions de mots. Même s'il peut paraître futile, ce logiciel est malin à plus d'un titre. En privilégiant ce qu'il sait faire de mieux, c'est à dire le mot à mot, il apporte une aide certaine au voyageur. Démonstration.

Vous visitez Canton et soudain, vous avez un petit creux. Vous vous installez dans la première gargote venue et comme vous ne parlez pas le mandarin, vous demandez la carte, en anglais ou en langage des signes. Le menu en main, vous dégainez votre portable, mode Movie, vous appuyez sur Start, un balayage rapide et vous voilà prêt à commander un canard laqué en désignant la ligne correspondante. Si, plus tard, vous devez vous rendre aux lavabos, votre portable vous aidera peut-être à ouvrir les bonnes portes.

Avec son smartphone, Julie a compris qu'il s'agissait de rognons !

Autre situation : vous faites des courses dans une grande surface à Francfort et vous cherchez à acheter de la mousse à raser (Rasierschaum). Comme vous ne comprenez pas l'allemand, la signalétique du magasin vous pose problème. Avec l'appli magique, vous allez pouvoir décrypter les panneaux qui vont vous guider vers le rayon concerné. Là, vous pourrez même lire les emballages pour choisir le bon produit, « gel », « mousse », « parfumée », « hydratante », « peau souple », « peau sensible »... Même l'article en promo ne vous échappera pas.

Un dernier exemple ? Julie la Française réside chez les Smith à Liverpool, le temps d'un séjour linguistique destiné à parfaire son anglais. Mais Julie l'ado a parfois du mal à interpréter certains mots, les Smith parlent vite et leur accent local ne facilite pas la compréhension.
Hier soir, lorsque Madame Smith lui a demandé « do you like kidney ? » avant de préparer le repas, Julie est restée sans voix car elle ne sait pas ce que « kidney » veut dire. Après que Mme Smith ait vainement tenté d'en expliquer le sens, Julie lui a demandé d'écrire le mot sur une feuille de papier, puis, à l'aide de son smartphone, elle a compris qu'il s'agissait de rognons !

En fait, ce petit logiciel que vous avec installé dans votre portable et qui vous permet de lire une affiche publicitaire dans le métro de Hong Kong est l'aboutissement de 60 ans de recherche et de beaucoup de désillusions.

En appliquant la réalité augmentée à la traduction automatique, l'homme réalise un vieux rêve, celui de sous-titrer le monde qui l'entoure. Et pourtant, même si elle est fort utile, cette technologie, n'est pas, et de loin, aussi avancée que les ingénieurs l'auraient souhaité. Elle se heurte à une montagne infranchissable : la complexité d'une langue.
Lorsque l'on s'intéresse à l'histoire de la traduction automatique, on est frappé par une date, 1966. Cette année-là, il y a 44 ans, les meilleurs scientifiques regroupés au sein de l'ALPAC (Automatic Language Processing Advisory Committee) ont remis un rapport au gouvernement américain dans lequel ils reconnaissent qu'aucune machine ne peut et ne pourra atteindre le Graal de la traduction.

Et ce, même pour la carte d'un restaurant...

Nicolas Roiret
pour Translateo.

mardi 24 janvier 2012

BIBELEN NORWAY


Une Bible littéraire séduit la Norvège.

Le 19 octobre dernier, les rues d'Oslo ont connu une agitation inhabituelle. Devant les librairies, des cohortes de jeunes, sagement alignés, certains déguisés en Jésus ou en ange Gabriel, attendaient l'ouverture des portes pour se procurer ... la Bible.
Oui, le Livre des livres, dont l'origine remonte à plus de 2000 ans. Alors pourquoi faire la queue, être dans les premiers à s'offrir un bien culturel dont on connaît déjà le contenu ? La nouvelle Bible (nye Bibelen), comme la désigne les Norvégiens, est, comment dire, moins académique que la précédente. C'est une adaptation littéraire des écrits sacrés. Elle se lit comme une nouvelle, un roman d'aventure, une saga théologique.

Coffret en trois volumes, la nouvelle Bible s'est débarrassée de ses 1180 chapitres et de ses 31 171 versets. Le texte court désormais sur une large et unique colonne, qui laisse une bonne place aux annotations. L'ancienne édition datait de 1978 et montrait des signes de « vieillesse » face à la modernisation exponentielle du monde. En 1999, la Société Biblique de Norvège a une idée géniale : confier la traduction des textes originels (en hébreu et en grec) à un collège d'experts, soit une trentaine de consultants, parmi lesquels des prêtres et des universitaires. Puis, sur la base d'une traduction solide et pure, faire réécrire le texte sur un mode littéraire par un groupe d'une douzaine d'auteurs sélectionnés parmi les meilleurs.

Best-seller en 2011, le Livre des livres suscite un engouement qui dépasse largement le domaine du religieux
.
Dans ce groupe d'excellence, on trouve le dramaturge Jon Fosse, mais aussi des écrivains moins consensuels, comme Karl Ove Knausgård, l'équivalent en France d'un Michel Houellebecq ou d'un Frédéric Beigbeder. Tous ont relevé le défi bénévolement. Leur démarche n'est évidemment pas religieuse. Ils considèrent pour la plupart que la traduction littéraire de la Bible est un travail d'utilité publique.Ils s'y sont donc attelés ....................................................................................avec toute leur énergie.

Édité au départ à 25 000 exemplaires, l'ouvrage a du être réimprimé plusieurs fois et dépasse aujourd'hui les 100 000 unités vendues. Best-seller en 2011, la nouvelle Bible suscite un engouement qui dépasse largement le domaine du religieux. Car si 80% des Norvégiens appartiennent à l'Église luthérienne, seuls 10% se déclarent pratiquants. Dans un pays d'un peu moins de 5 millions d'habitants, la « nye Bibelen », intéresse tous les Norvégiens, à commencer par les jeunes. Une œuvre plus fluide, plus facile à lire, les attire forcément. Mais ce n'est pas la seule raison.Certains éditorialistes établissent un lien avec la tuerie d'Utoya.

Pour mémoire, le 22 juillet 2011, soit trois mois avant la sortie de la nouvelle Bible, Anders Breivik, un activiste de 32 ans, fait exploser des bombes dans Oslo puis massacre 69 étudiants à l'arme à feu sur la petite île d'Utoya, faisant 77 morts et 151 blessés. Cet assassinat de masse, absurde, inhumain, a profondément choqué la société norvégienne, plongeant même le pays dans un bref épisode dépressif. Passée la stupeur, les Norvégiens cherchent à comprendre, à expliquer l'impossible. A travers ce drame, les plus jeunes sont forcés de s'interroger sur la fragilité et le sens de la vie. Des questions auxquelles la Bible est censée apporter des réponses. Même dans sa nouvelle version.
Nicolas Roiret.
Pour Translateo

jeudi 12 janvier 2012

Les aventures de Tintin


A chaque langue son Dupont et Dupond

Tintin a de la chance. Les traducteurs l'ont plutôt épargné. Tintin, Tine Tine, Tim, Taine Taine, Ding Ding, Ten Ten, le nom du petit héros belge sonne partout dans le monde de façon « approchante », partout, sauf dans son pays natal, où les flamands le nomment Kuifje, littéralement « houppette ».
Cette particularité n'est évidemment pas un hasard et rappelle que la traduction des noms propres obéit autant à des choix qu'à des règles.
Le meilleur exemple est celui des deux détectives Dupont et Dupond, dont les patronymes connaissent des mutations plus ou moins fantaisistes selon qu'ils parlent grec ou wolof.
En théorie, un nom propre ne se traduit pas, sauf s'il pose des problèmes de prononciation, s'il est insultant, ridicule ou associé à une marque.
Dans le cas des Dupondt, le problème est ailleurs. Leur nom doit nécessairement être traduit si l'on veut conserver leur effet comique et coller au plus près de l'œuvre.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, Dupond et Dupont ne sont pas frères. Même si leurs noms se prononcent de la même façon, l’orthographe diffère. Ils n'appartiennent donc pas à la même fratrie. Des sosies ? Pas vraiment. Hergé a pris soin de les distinguer en dessinant une moustache en forme de D renversé à l'un (Dupond) et des bacchantes en T renversé à l'autre (Dupont).
Le dessinateur a 25 ans en 1932 lorsqu'il « invente » ses deux personnages dans l'album Les Cigares du Pharaon (sorti en 1934). Pour cela, il s'inspire de son père, Alexis Rémi, et de son oncle, Léon, le frère jumeau de son père. Des photos d'archives les montrent arborant un chapeau melon... Fasciné par leur ressemblance, Hergé les croque avec une obsession, le mystère de la gémellité. Un mystère qu'il entretient lui-même en faisant de Dupont et Dupond deux clones différents.

En les baptisant Thompson et Thomson, les Anglais ont vu juste

Au traducteur, maintenant, d'intégrer tous ces facteurs. Les deux noms doivent être semblables à une lettre près (ce qui les rend différents), ils se prononcent de la même façon (ce qui les rend identiques) et doivent être très répandus dans le pays concerné (ce qui les rend communs).
En les baptisant Thompson et Thomson, les Anglais ont vu juste. Idem pour les Allemands avec Schultze et Schulze. Le duo néerlandais Jansen et Janssen reste également fidèle à l'esprit d'Hergé.
Mais que dire lorsque le traducteur décide de leur donner un nom différent ? Ainsi, en espagnol, les Dupon(dt) sont Hernandez et Fernandez, ils deviennent Tik et Tak en langue arabe et Uys et Buys en afrikaans (Afrique du Sud).
Dans les albums en portugais, en suédois ou en italien, ils conservent leur nom originel, qui perd forcément de sa saveur. Mais qui sait, lors d'une prochaine traduction, peut être que Dupont et Dupond deviendront Moreti et Moretti, Nielsen et Nilsen ou Pereira et Pereirra.
Un revirement est possible. Jusqu'en 2010, les Chinois lisaient les aventures de Tintin (Ding Ding) traduites de l'édition anglaise. Dans la nouvelle version, adaptée de l'œuvre originale, Milou ne s'appelle plus Snowy mais bien Milu, un juste retour aux origines.
Dupont et Dupond, en revanche, restent Dubang et Dubang.
Nicolas Roiret
Photo & affiche du film « Les aventures de Tintin »
de Steven SPIELBERG et Peter JACKSON
Le site officiel de Tintin et du film

vendredi 30 décembre 2011

Bonne année à tous !!!

Trad’ Est, Europa Traduction ainsi que notre dernière agence Translateo
vous souhaitent de très belles fêtes de fin d’année et une très bonne année 2012.

jeudi 29 décembre 2011

Mon métier de traducteur

Contexte international oblige, la traduction est de plus en plus présente dans notre quotidien, que l’on lise le dernier roman de Stephen King ou que l’on consulte la notice d’utilisation d’une machine industrielle.

Et cette traduction ne peut se résumer à un passage par un logiciel de traduction automatique, qui a souvent un résultat catastrophique, fait de passages incompréhensibles et de tournures étranges, voire cocasses. Non, la traduction est un vrai métier, une acrobatie mentale dont le but est de délivrer le message souhaité de la façon la plus claire possible pour la population ciblée ; être traducteur ne s’improvise pas.

Une bonne traduction sous-entend d’abord un amour de la langue, une passion pour les cultures étrangères, puis une méthode de travail rigoureuse, minutieuse, avec le respect d’un glossaire, la recherche du bon terme, dans le domaine technique, ou du style adapté dans les textes plus libres et rédactionnels, en évitant de rester trop près du texte source (« trop mauvais » pour « too bad », qui en réalité signifie « hélas », ou bien « collège » pour « college », alors que la personne dont on parle a au moins une vingtaine d’années…), ce qui peut parfois s’avérer fastidieux et assez éprouvant, mais aussi, et cela va de soi, une bonne compréhension de la langue de départ ; en effet, les textes en anglais ne sont pas toujours rédigés par des personnes de langue maternelle anglaise, plus particulièrement dans le cadre de documents de travail (spécifications, contrats, notices, etc.) ; il faut donc que le traducteur fasse preuve de perspicacité et de patience pour déchiffrer ces textes parfois obscurs, et leur donner tout leur sens, en faisant tout son possible pour éviter des fautes de sens, qui peuvent parfois s’avérer dramatiques sur le plan humain, par exemple dans le domaine médical, mais aussi sur le plan commercial.

Même si les nouvelles technologies sont le vecteur de la communication d’aujourd’hui, il ne faut pas oublier qu’elles ne contribuent qu’à une partie de l’échange d’informations ; à l’heure actuelle, et pour de nombreuses années à venir, rien ne remplacera les qualités humaines des traducteurs, véritables architectes de la compréhension à l’international. 
 
The international context means that translation is playing an increasingly large role in our daily lives; such is the case for a non-English speaker who wants to read Stephen King’s latest novel or someone who needs to refer to a foreign manual for industrial machinery.

There is so much more involved in translation than simply using automatic translation software, which often produces catastrophic results, with incomprehensible text and bizarre, sometimes even hilarious, turns of phrase. Translation is a real profession that involves mental agility and whose aim is to deliver the intended message to the target population in the clearest possible manner; one can’t “blag it” as a translator.

Producing good translations requires a love of languages, a passion for foreign cultures, a rigorous approach to work and attention to detail, the use of glossaries, searching for exactly the right term when translating technical documents, or using an appropriate writing style when translating more literary texts, while avoiding literal translations (‘not terrible’ for ‘pas terrible’, which actually means ‘not very good’, or ‘good present’ for ‘bon cadeau’, when you’ve just been given a gift voucher), all of which can sometimes be tedious and somewhat trying. But translation, of course, also requires a thorough understanding of the source language. For example, translators of poorly written English, often faced with business documents such as technical specifications, contracts or manuals that are written by non-native English speakers, need to be perceptive and patient to decode impenetrable sentences and reveal their true meaning, while avoiding the pitfalls of misleading the reader, which can sometimes be catastrophic for individuals, for example in the medical field, but also for businesses.

New technologies are without doubt the vectors of communication in today’s world, but it shouldn’t be forgotten that they only contribute in part to the exchange of information; right now, and for years to come, nothing will be able to replace the human qualities of translators - the architects of international understanding.
Daniel Evans

mercredi 21 décembre 2011

La phrase vraie

















Depuis quelques semaines, je possède un livre fétiche que je ne range jamais dans la bibliothèque. Il va de pièce en pièce et trouve sa place dans la maison là où je l'ai abandonné, Il s'agit de l'intégrale des nouvelles d'Ernest Hemingway. C'est un gros pavé édité chez Gallimard. Sur la couverture, Ernest, la soixantaine lumineuse, arbore un rictus cabochard derrière une barbe rase. Même fermé, ce livre est beau.

Mais à force de picorer dedans, de lire çà et là, une histoire quand le temps et l'envie me guident, une sensation de gêne a fini par m'envahir. Je constate, au fur et à mesure que je feuillette les pages, que son écriture est inégale, tantôt fraîche, tantôt rassie. Au gré des histoires, on trouve des différences de tons, de longueur de phrases. L'ensemble tombe parfois à plat, tellement à plat qu'il devient évident qu'Hemingway n'a jamais écrit ces mots.

Une telle cacophonie dans le rendu de l'œuvre s'explique aisément: la traduction des nouvelles a été confiée à douze personnes. Des hommes et des femmes, tous écrivains et passionnés par l'auteur, mais dont la sensibilité et le style ont imprégné, en bien ou en mal, le texte en français.  

A leur décharge, Hemingway est un cauchemar de traducteur.
Pourquoi ? Parce que son style est totalement épuré, voire télégraphique et qu'il s'émancipe de toutes les règles littéraires. Le génie d'Hemingway est de raconter bien plus que ce qu'il écrit. Sa prose se lit aussi entre les lignes.
Il la commente d'ailleurs ainsi : « Ce qu'il faut, c'est écrire une seule phrase vraie. Écris la phrase la plus vraie que tu connaisses. ».
D'où le malaise du traducteur. Car Hemingway est souvent le seul à connaître la vérité de sa « phrase vraie ». La qualité de la traduction est déterminée par l'interprétation qui en est faite.
Le texte n'a pas seulement un sens, il a aussi une âme.  

Parmi mes écrivains préférés, l'Américain Jim Harrison figure en bonne place.
J'adore son style, ses personnages, son univers. Dans chacun de ses romans, dès la première page, il vous prend par la main, vous embarque avec bonheur au fin fond d'une forêt du Michigan, dans un hôtel miteux du Colorado ou sur les planches d'un embarcadère à Key West. Sa prose est à la fois poétique et crue, sale et flamboyante.

Mais si j'aime tant Jim Harrison, je le dois à quelqu'un d'autre, à son traducteur, le Français Brice Matthieussent. Leur relation, sur le papier, est une mise en valeur de leur travail respectif. Si Harrison devait changer de traducteur, sûr que les fans français seraient terriblement déçus.

Car qui lisent-ils ? Harrison ou Mattieussent ? « Les traducteurs viennent se greffer de manière assez incestueuse à quelque chose qui existe déjà, non pas comme un parasite, mais comme une recréation », explique Matthieussent. Au final, il s'agit bien de deux œuvres distinctes : l'ouvrage original et sa traduction. Un texte traduit est un autre texte.

Mon malaise face aux nouvelles d'Hemingway vient de là, de cette prise de conscience : ce n'est pas lui que je lis mais douze auteurs différents, chacun avec son souffle et sa vérité.
Ah, si je pouvais lire du Hemingway en anglais, en V.O., être en contact direct avec ses mots, me prélasser dans ses « phrases vraies », deviner ce qu'il suggère, sentir le vent de sa poésie !

Rien que pour cela, je regrette de ne pas être anglophone.

Pour Translateo : Nicolas Roiret

mardi 6 décembre 2011

Take A Walk On The Wild Side

Une chanson pas si cool




« Take a walk on the wild side ». Tout le monde a rêvassé sur cette chanson de Lou Reed, un chef d'oeuvre du rock dans lequel on retrouve une voix rauque, des doo doo doo, un saxo pleurnichard et une batterie en velours.

J'ai découvert ce morceau lorsque j'avais 13 ans, dans les années 70. Je l'écoutais pendant des heures, allongé sur mon lit, les yeux rivés au plafond, à tenter de deviner ce que pourrait bien être ma vie. La chanson finit par me hanter l'esprit, elle semblait m'habiter. Et pourtant je ne comprenais pas les paroles. Il fallait agir, traduire au moins le titre...

Mais à l'époque, pas d'internet, pas de Google Traduction, j'apprenais l'anglais au lycée et je du  déchiffrer chaque mot à l'aide mon dico de poche anglais-français. Take. Walk. Wild. Side. Assemblés, cela donnait quelque chose comme : Prends une marche sur le côté sauvage, bref, la phrase ne voulait rien dire.

Non sans courage, je décidais de demander de l'aide à ma prof d'anglais, Madame Allain., une quinqua rigide aux allures de Mary Poppins. Visiblement ébranlée par ma requête, Madame Allain me dit sèchement «  je n'ai pas de temps à perdre avec de telles insanités ».
Bigre !  Comment ces quelques mots avait pu rosir ses joues ? Il s'agissait d'un titre de chanson, voilà tout.

Rétrospectivement, je comprends pourquoi ma prof d'anglais ne voulait même pas traduire le titre


Cet incident a resurgit de ma mémoire, il  n'y a pas longtemps, alors que je pianotais des bouts de textes dans Google Traduction. L'idée me vînt d'entrer Take a walk on the wild side, un brin amusé d'utiliser l'outil qui m'avait manqué 30 ans plus tôt. Cette fois, c'est sûr, j'allais enfin savoir en quoi ce titre était si licencieux. Le résultat fut navrant: Faites une promenade sur le côté sauvage. Retour à la case départ.


En fait, pour comprendre le sens de Take a walk on the wild side, il faut traduire l'intégralité des paroles de la chanson. Et si possible, se renseigner sur le climat sociologique, voire politique, qui l'entoure. Aucun algorithme ne prend en compte le contexte d'un texte...
Sortie en 1972, la chanson évoque des icônes de la nuit new-yorkaise de la fin des années soixante, travestis, drogués, branchés décadents et divas du sexe. A l'époque, le morceau fut interdit d'antenne dans de nombreux pays. Les censeurs y voyaient une ode à la décadence, une invitation au stupre.

Dans la chanson, Lou Reed dit ou fait dire à chacun de ses personnages « Take a walk on the wild side », une sorte d'incantation précédée d'un Babe ou d'un Honey qui lui donne un aspect maléfique.
Littéralement, le « wild side » désigne la face obscure, délirante, violente, déchainée, libre, folle, que nous sommes supposés posséder.  « Wild » veut bien dire « sauvage », mais sauvage au sens « qui échappe à la Loi, à l'Ordre et la Morale des hommes ». Ainsi le « wild side » serait un territoire de liberté et de non droit, un lieu fictif de perdition.
 « Take a walk on the wild side » pourrait se traduire par « va traîner dans les bas-fonds »., « va t'encanailler » ou plus sobrement « lâche toi ».

Rétrospectivement, je comprends pourquoi ma prof d'anglais fut saisie. Ce n'est pas le titre qui l'effraya mais la chanson et ce qu'elle représentait pour elle. Elle aurait pu tricher et me faire une traduction littérale. Allons marcher sur la côte sauvage, par exemple. C'est bête, mais je m'en serai satisfait en me disant que Take a walk on the wild side est une chanson d'amour. Tout simplement.

Pour Translateo : Nicolas Roiret.

mercredi 30 novembre 2011

Salon Classe Export

Notre équipe commerciale était présente au salon Classe Export
qui se déroulait à Lyon Eurexpo, le 29 et 30 Novembre 2011