mardi 24 janvier 2012

BIBELEN NORWAY


Une Bible littéraire séduit la Norvège.

Le 19 octobre dernier, les rues d'Oslo ont connu une agitation inhabituelle. Devant les librairies, des cohortes de jeunes, sagement alignés, certains déguisés en Jésus ou en ange Gabriel, attendaient l'ouverture des portes pour se procurer ... la Bible.
Oui, le Livre des livres, dont l'origine remonte à plus de 2000 ans. Alors pourquoi faire la queue, être dans les premiers à s'offrir un bien culturel dont on connaît déjà le contenu ? La nouvelle Bible (nye Bibelen), comme la désigne les Norvégiens, est, comment dire, moins académique que la précédente. C'est une adaptation littéraire des écrits sacrés. Elle se lit comme une nouvelle, un roman d'aventure, une saga théologique.

Coffret en trois volumes, la nouvelle Bible s'est débarrassée de ses 1180 chapitres et de ses 31 171 versets. Le texte court désormais sur une large et unique colonne, qui laisse une bonne place aux annotations. L'ancienne édition datait de 1978 et montrait des signes de « vieillesse » face à la modernisation exponentielle du monde. En 1999, la Société Biblique de Norvège a une idée géniale : confier la traduction des textes originels (en hébreu et en grec) à un collège d'experts, soit une trentaine de consultants, parmi lesquels des prêtres et des universitaires. Puis, sur la base d'une traduction solide et pure, faire réécrire le texte sur un mode littéraire par un groupe d'une douzaine d'auteurs sélectionnés parmi les meilleurs.

Best-seller en 2011, le Livre des livres suscite un engouement qui dépasse largement le domaine du religieux
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Dans ce groupe d'excellence, on trouve le dramaturge Jon Fosse, mais aussi des écrivains moins consensuels, comme Karl Ove Knausgård, l'équivalent en France d'un Michel Houellebecq ou d'un Frédéric Beigbeder. Tous ont relevé le défi bénévolement. Leur démarche n'est évidemment pas religieuse. Ils considèrent pour la plupart que la traduction littéraire de la Bible est un travail d'utilité publique.Ils s'y sont donc attelés ....................................................................................avec toute leur énergie.

Édité au départ à 25 000 exemplaires, l'ouvrage a du être réimprimé plusieurs fois et dépasse aujourd'hui les 100 000 unités vendues. Best-seller en 2011, la nouvelle Bible suscite un engouement qui dépasse largement le domaine du religieux. Car si 80% des Norvégiens appartiennent à l'Église luthérienne, seuls 10% se déclarent pratiquants. Dans un pays d'un peu moins de 5 millions d'habitants, la « nye Bibelen », intéresse tous les Norvégiens, à commencer par les jeunes. Une œuvre plus fluide, plus facile à lire, les attire forcément. Mais ce n'est pas la seule raison.Certains éditorialistes établissent un lien avec la tuerie d'Utoya.

Pour mémoire, le 22 juillet 2011, soit trois mois avant la sortie de la nouvelle Bible, Anders Breivik, un activiste de 32 ans, fait exploser des bombes dans Oslo puis massacre 69 étudiants à l'arme à feu sur la petite île d'Utoya, faisant 77 morts et 151 blessés. Cet assassinat de masse, absurde, inhumain, a profondément choqué la société norvégienne, plongeant même le pays dans un bref épisode dépressif. Passée la stupeur, les Norvégiens cherchent à comprendre, à expliquer l'impossible. A travers ce drame, les plus jeunes sont forcés de s'interroger sur la fragilité et le sens de la vie. Des questions auxquelles la Bible est censée apporter des réponses. Même dans sa nouvelle version.
Nicolas Roiret.
Pour Translateo

jeudi 12 janvier 2012

Les aventures de Tintin


A chaque langue son Dupont et Dupond

Tintin a de la chance. Les traducteurs l'ont plutôt épargné. Tintin, Tine Tine, Tim, Taine Taine, Ding Ding, Ten Ten, le nom du petit héros belge sonne partout dans le monde de façon « approchante », partout, sauf dans son pays natal, où les flamands le nomment Kuifje, littéralement « houppette ».
Cette particularité n'est évidemment pas un hasard et rappelle que la traduction des noms propres obéit autant à des choix qu'à des règles.
Le meilleur exemple est celui des deux détectives Dupont et Dupond, dont les patronymes connaissent des mutations plus ou moins fantaisistes selon qu'ils parlent grec ou wolof.
En théorie, un nom propre ne se traduit pas, sauf s'il pose des problèmes de prononciation, s'il est insultant, ridicule ou associé à une marque.
Dans le cas des Dupondt, le problème est ailleurs. Leur nom doit nécessairement être traduit si l'on veut conserver leur effet comique et coller au plus près de l'œuvre.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, Dupond et Dupont ne sont pas frères. Même si leurs noms se prononcent de la même façon, l’orthographe diffère. Ils n'appartiennent donc pas à la même fratrie. Des sosies ? Pas vraiment. Hergé a pris soin de les distinguer en dessinant une moustache en forme de D renversé à l'un (Dupond) et des bacchantes en T renversé à l'autre (Dupont).
Le dessinateur a 25 ans en 1932 lorsqu'il « invente » ses deux personnages dans l'album Les Cigares du Pharaon (sorti en 1934). Pour cela, il s'inspire de son père, Alexis Rémi, et de son oncle, Léon, le frère jumeau de son père. Des photos d'archives les montrent arborant un chapeau melon... Fasciné par leur ressemblance, Hergé les croque avec une obsession, le mystère de la gémellité. Un mystère qu'il entretient lui-même en faisant de Dupont et Dupond deux clones différents.

En les baptisant Thompson et Thomson, les Anglais ont vu juste

Au traducteur, maintenant, d'intégrer tous ces facteurs. Les deux noms doivent être semblables à une lettre près (ce qui les rend différents), ils se prononcent de la même façon (ce qui les rend identiques) et doivent être très répandus dans le pays concerné (ce qui les rend communs).
En les baptisant Thompson et Thomson, les Anglais ont vu juste. Idem pour les Allemands avec Schultze et Schulze. Le duo néerlandais Jansen et Janssen reste également fidèle à l'esprit d'Hergé.
Mais que dire lorsque le traducteur décide de leur donner un nom différent ? Ainsi, en espagnol, les Dupon(dt) sont Hernandez et Fernandez, ils deviennent Tik et Tak en langue arabe et Uys et Buys en afrikaans (Afrique du Sud).
Dans les albums en portugais, en suédois ou en italien, ils conservent leur nom originel, qui perd forcément de sa saveur. Mais qui sait, lors d'une prochaine traduction, peut être que Dupont et Dupond deviendront Moreti et Moretti, Nielsen et Nilsen ou Pereira et Pereirra.
Un revirement est possible. Jusqu'en 2010, les Chinois lisaient les aventures de Tintin (Ding Ding) traduites de l'édition anglaise. Dans la nouvelle version, adaptée de l'œuvre originale, Milou ne s'appelle plus Snowy mais bien Milu, un juste retour aux origines.
Dupont et Dupond, en revanche, restent Dubang et Dubang.
Nicolas Roiret
Photo & affiche du film « Les aventures de Tintin »
de Steven SPIELBERG et Peter JACKSON
Le site officiel de Tintin et du film