jeudi 12 janvier 2012

Les aventures de Tintin


A chaque langue son Dupont et Dupond

Tintin a de la chance. Les traducteurs l'ont plutôt épargné. Tintin, Tine Tine, Tim, Taine Taine, Ding Ding, Ten Ten, le nom du petit héros belge sonne partout dans le monde de façon « approchante », partout, sauf dans son pays natal, où les flamands le nomment Kuifje, littéralement « houppette ».
Cette particularité n'est évidemment pas un hasard et rappelle que la traduction des noms propres obéit autant à des choix qu'à des règles.
Le meilleur exemple est celui des deux détectives Dupont et Dupond, dont les patronymes connaissent des mutations plus ou moins fantaisistes selon qu'ils parlent grec ou wolof.
En théorie, un nom propre ne se traduit pas, sauf s'il pose des problèmes de prononciation, s'il est insultant, ridicule ou associé à une marque.
Dans le cas des Dupondt, le problème est ailleurs. Leur nom doit nécessairement être traduit si l'on veut conserver leur effet comique et coller au plus près de l'œuvre.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, Dupond et Dupont ne sont pas frères. Même si leurs noms se prononcent de la même façon, l’orthographe diffère. Ils n'appartiennent donc pas à la même fratrie. Des sosies ? Pas vraiment. Hergé a pris soin de les distinguer en dessinant une moustache en forme de D renversé à l'un (Dupond) et des bacchantes en T renversé à l'autre (Dupont).
Le dessinateur a 25 ans en 1932 lorsqu'il « invente » ses deux personnages dans l'album Les Cigares du Pharaon (sorti en 1934). Pour cela, il s'inspire de son père, Alexis Rémi, et de son oncle, Léon, le frère jumeau de son père. Des photos d'archives les montrent arborant un chapeau melon... Fasciné par leur ressemblance, Hergé les croque avec une obsession, le mystère de la gémellité. Un mystère qu'il entretient lui-même en faisant de Dupont et Dupond deux clones différents.

En les baptisant Thompson et Thomson, les Anglais ont vu juste

Au traducteur, maintenant, d'intégrer tous ces facteurs. Les deux noms doivent être semblables à une lettre près (ce qui les rend différents), ils se prononcent de la même façon (ce qui les rend identiques) et doivent être très répandus dans le pays concerné (ce qui les rend communs).
En les baptisant Thompson et Thomson, les Anglais ont vu juste. Idem pour les Allemands avec Schultze et Schulze. Le duo néerlandais Jansen et Janssen reste également fidèle à l'esprit d'Hergé.
Mais que dire lorsque le traducteur décide de leur donner un nom différent ? Ainsi, en espagnol, les Dupon(dt) sont Hernandez et Fernandez, ils deviennent Tik et Tak en langue arabe et Uys et Buys en afrikaans (Afrique du Sud).
Dans les albums en portugais, en suédois ou en italien, ils conservent leur nom originel, qui perd forcément de sa saveur. Mais qui sait, lors d'une prochaine traduction, peut être que Dupont et Dupond deviendront Moreti et Moretti, Nielsen et Nilsen ou Pereira et Pereirra.
Un revirement est possible. Jusqu'en 2010, les Chinois lisaient les aventures de Tintin (Ding Ding) traduites de l'édition anglaise. Dans la nouvelle version, adaptée de l'œuvre originale, Milou ne s'appelle plus Snowy mais bien Milu, un juste retour aux origines.
Dupont et Dupond, en revanche, restent Dubang et Dubang.
Nicolas Roiret
Photo & affiche du film « Les aventures de Tintin »
de Steven SPIELBERG et Peter JACKSON
Le site officiel de Tintin et du film

1 commentaire:

Alena a dit…

Et en tcheque, Tkadlec et Kadlec. Bien choisi. Alena