samedi 1 septembre 2012

Traducteurs bricoleurs



Manga. Le mot lui même est sujet à interprétation. Dans sa traduction du japonais, il signifie à la fois, dessin au trait malhabile, caricature, esquisse au fil des idées, image sans but, divertissante, fantaisiste. 
Comme il n'existe pas de genre grammatical en japonais, manga est à la fois masculin et féminin. En France, depuis les années 70, nous disons arbitrairement UN manga, ce qui le distingue (à tort ou à raison) de LA bande dessinée.
Porté par les « animés », Candy, Albator, Goldorak et consorts, aujourd'hui devenus cultes, le manga va peu à peu séduire un public en quête d'autre chose que Tintin, Gaston Lagaffe ou Astérix.
Une question d'esthétisme et de poésie. De mystère aussi, car le manga, ce n'est pas qu'un coup de crayon, c'est aussi une culture venue de très loin transposée sur des planches.
Comme le japonais se lit de gauche à droite (la quatrième de couverture est en fait la couverture), les éditeurs ont longtemps tergiversé. Faut-il tout remettre à l'endroit (et augmenter ses coûts), « occidentaliser » l'œuvre ou la laisser comme tel au risque de rebuter un lectorat plus âgé ?
C'est que la question est d'importance. La France est le deuxième consommateur mondial de mangas, devant les Etats-Unis.
Depuis 2005, dans l'Hexagone, il s'édite plus de mangas que d'albums traditionnels. Des salons dédiés, comme la Japan Expo début juillet à Paris, rassemble chaque année près de 300 000 personnes sur trois jours. Un ouvrage du héros blond Naruto se vend autour de 200 000 exemplaires. Un carton qui s'explique par la fascination qu'exerce la culture manga sur les 5 – 25 ans.

Une même image peut être traduite 100 fois différemment et faire l'objet, sur le web, d'erratum d'erratum, de polémiques incessantes.

Internet a boosté la tendance. En 1997, naissent les premiers sites dédiés à la traduction de mangas inédits en France. Sans trop se soucier de la loi (en droit français, une traduction est une adaptation, donc soumise au droit d'auteur), les fans s'échangent des planches scannées où les bulles sont « nettoyées » du texte original pour être remplacé par des mots en français. Ils appellent cela une scanlation, contraction de scanner et de translation.
Tapez manga scan sur un moteur de recherche et tous les albums du monde s'offrent à vous.
Sur les forums spécialisés, il est amusant de voir comment les ados s'improvisent traducteurs. Entre le copain du copain qui connaît une copine qui parle japonais, le farceur mythomane qui invente tout de A à Z pour se faire mousser auprès de sa tribu et le « scangine », le petit malin qui passe les textes au traducteur automatique, on assiste à du grand n'importe quoi. Une même image peut être traduite 100 fois différemment et faire l'objet, sur le web, d'erratum d'erratum, de polémiques incessantes sur le pourquoi du comment du sens d'une phrase, voire d'un nom de personnage. Ainsi, en japonais, le r et le l, se ressemblent étrangement et Rino peut facilement devenir Lino pour un traducteur néophyte.

La langue n'est pas si simple à traduire. Elle offre par exemple, une gamme très étendue d'onomatopées dont la plupart n'ont pas d'équivalent en Occident. Là où les éditeurs renoncent à les traduire et les laissent en version originale, les fans, eux, n'hésitent pas à en inventer de nouvelles.
Un folklore linguistique qui n'est pas du goût de la Japan's Digital Comic Association qui, depuis juin 2010, s'inquiète du phénomène. Relayée par des éditeurs américains, elle a décidé d'attaquer quelques sites en justice pour donner l'exemple. En réponse, les scanlateurs font remarquer, qu'ils font la promotion en numérique d'un genre qui ne s'est jamais aussi bien vendu en librairie.


pour Translateo

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