Ils ont rempli l'Olympia, les
téléspectateurs les ont découverts dans Le Plus Grand Cabaret du Monde, ils
font salle comble à la Pépinière à Paris depuis la rentrée, la presse les
encense, voici les Tistics, une troupe de 12 comédiens – chanteurs.
Leur particularité ? Chanter
– jouer, les plus grands tubes de la pop anglo-saxonne en... français dans une
traduction littérale volontairement brute et décalée.
Les Franglaises, leur spectacle,
ressemble à un blind test géant. Le chauffeur de salle commence par énoncer des
phrases en français. Exemple : « Sur une autoroute sombre et déserte,
vent frais dans mes cheveux ». Hotel California ! s'exclame un
spectateur dans la salle. Bonne réponse. Les Tistics entonnent alors le célèbre
tube des Eagles, des Aigles, dans une version en français traduite mot à mot.
Bien sûr, ils y mettent le ton,
ils jouent, se gaussent, se trémoussent sur les mots pour finalement leur faire
dire ce qu'ils veulent...
L'effet est saisissant. C'est
frais, drôle et poétique. Mais pas seulement.
L'exercice renvoie à un genre
particulier, celui de la traduction littérale. Une traduction primaire, en
quelque sorte, qui eut ses défenseurs lorsque la traduction était une
discipline en devenir, que les œuvres littéraires commencèrent à être adaptées
dans d'autres langues. Au début du 19ème siècle, par exemple,
Chateaubriand traduit le Paradis Perdu du poète anglais John Milton et vante
dans sa préface les bienfaits de la traduction littérale qui lui paraît
toujours la meilleure. D'après lui, c'est même « la perfection du genre à
condition d'en ôter le côté sauvage ». En clair, il suffit de faire du mot
à mot et d'en assurer le liant. L'idée reçue, à l'époque, est qu'en collant au
plus près au texte, le traducteur ne commettra pas d'erreurs.
Le
texte des Tistics est une « supercherie ». Chanté par leur soin,
traduit en littéral, il paraît ridicule, alors qu'il a une dimension littéraire
La priorité est d'être conforme à
l'original, sans adaptation, dans un souci d'honnêteté, d'exactitude et de
sécurité.
Or, nous savons aujourd'hui,
qu'une traduction trop rigide est une traduction inadaptée.
Car un texte n'est rien de moins
que de la pensée structurée. Traduire, c'est sacrifier la structure pour
sauvegarder la pensée.
Les Tistics, eux, s'en amusent.
Ils trahissent la pensée en calquant la structure. C'est ce qui donne ce côté
comique, voire absurde aux paroles. En jetant un œil bilingue aux lyrics
d'Hotel California, justement, on constate immédiatement que le texte des
Tistics est une « supercherie ». Chanté par leur soin, traduit mot à
mot, il paraît ridicule. Replacé dans un contexte d’œuvre, en appliquant les
règles élémentaires de traduction, il affiche une dimension littéraire.
Alors pourquoi aimons-nous tant
une chanson alors que nous n'en comprenons pas les paroles ?
Est-ce juste une histoire de
rythmique et de mélodie, de timbre de voix ? Lorsque les Platters chantent
Only You, on devine aisément qu'il s'agit d'amour et de tendresse. Seulement
toi, sur le même tempo paraît soudain moins glamour. En français, on dira
plutôt Rien que toi, (Nothing but you). Ce qui se formule dans une langue, ne
se dit pas forcément avec les mêmes mots dans une autre.
Et puis, il y a la sonorité des
mots. Dans une chanson, elle influe considérablement. Dans le cas d'un tube en
anglais que je ne comprends pas, ils font office de notes, les mots habillent
le morceau. Si je les traduits, le sens leur ôte mystère et magie, l'ensemble
tombe à plat.
Pour les Tistics, pas grave, car
c'est l'effet recherché...
pour Translateo
Liens :
Les Tistics – Emission c’est au
programme
Les Tistics Site Officiel
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