lundi 24 septembre 2012

AU CASE PAR CASE



Toutes celles et tous ceux qui ont un jour joué sur leur ordinateur, ou bien participé à un duel sur console savent qu'un jeu vidéo réserve souvent des surprises de langage.
La particularité du vidéo game est d'être un produit mondial. Il a été pensé, conçu pour être vendu, consommé partout sur la planète. Mais si Lara Croft, Mario Bros et autres Lapins Crétins ont leurs entrées sur tous les continents, sous toutes les latitudes, ils le doivent à des traducteurs d'un genre particulier, des localisateurs, des êtres humains capables d'adapter un jeu à chacune des langues auxquelles il est destiné.
La localisation linguistique, puisque c'est son nom, est « le transfert et l'adaptation culturelle d'un produit à une culture cible ».
Derrière ce charabia marketing, se cachent une réalité brute, celle de la compréhension et de l'attrait du jeu dont le principe de base est de s'adresser directement à celui qui tient la manette, le pad, pour les connaisseurs.
Ainsi, tout doit être traduit à commencer par les commandes. Dans Super Mario Galaxy, on vous demande de « souffler sur la bulle en appuyant sur A » pour déplacer le petit moustachu.
Ensuite, grâce au texte, vous apprenez ce que l'on attend de vous.
Ainsi, dans Avatar, the game, votre première mission consiste à « récupérer un arc ». Sans traduction, votre jeu n'est rien.
Il en va de même pour le nom des joueurs, de la monnaie, de la présentation de l'heure, de la date, des onomatopées, de l'argot, des expressions populaires, jusqu'aux préfixes des numéros de téléphone qui varient selon que vous soyez Turc, Finlandais ou Indien...
Un jeu vidéo est truffé de dialogues, de tutoriels, de messages en tout genre. Ce sont eux qui donnent le ton du scénario. Le texte, autant que les images, participe à l'univers du jeu. À condition, bien sûr, qu'il soit « localisé ».
Pour cela, les studios s'adressent d'abord à des traducteurs « insiders », des jeunes gens initiés, rodés au vocabulaire du genre et généralement payés au mot (en France, sur la base de 0,05 euro l'unité).

Les gamers le savent, la plupart des « tableaux cachés », ceux que les plus malins parviennent à percer, restent dans leur anglais d'origine. Faute de temps pour les traducteurs.

Pour aller plus vite, le fichier de chaque langue est scindé en plusieurs blocs et envoyé à plusieurs « insiders » en même temps. Chacun reçoit donc une partie à transcrire sous la forme d'un fichier Excel. Sans même posséder le jeu, il remplit des cases de texte, des modules calibrés desquels il ne faut surtout pas dépasser sous peine de provoquer des bugs inextricables.
Au terme de ce premier dégraissage, les fichiers sont « posés » sur le jeu par les développeurs, qui eux, bien évidemment, disposent du jeu, mais, paradoxe, n'interviennent pas sur les textes.
Ensuite, le localisateur entre en scène. À lui de finaliser l'ensemble.

Il corrige les fautes d'orthographe et de syntaxe, il gomme les phrases maladroites ou insultantes, il s'assure que les caractères spéciaux sont correctement utilisés, que la lecture s'effectue dans le bon sens (gauche-droite ou droite gauche selon qu'il s'agisse du portugais ou du chinois), bref que rien ne nuise au plaisir du joueur.
Si le travail des traducteurs en amont a été bâclé, la récupération est plus compliquée. L'emploi de plusieurs traducteurs ne lui facilite pas non plus la tâche car il faut homogénéiser le rendu, trouver le ton adéquat.
Mais l'ennemi numéro 1 du localisateur est le temps. Les lois du marketing sont impitoyables. La sortie d'un jeu est généralement synchronisée, entendez par là qu'elle se fait partout dans le monde à la même date. Il faut donc absolument être prêt le jour J et tant pis si le travail n'est pas terminé. Résultat, les boulettes sont nombreuses et tout n'est pas traduit. Les gamers le savent, la plupart des « tableaux cachés », ceux que les plus malins parviennent à percer, restent dans leur anglais d'origine. Faute de temps. Pour l'anecdote, les jeux vidéo en version allemande comportent plus de bugs que la moyenne. Avec des phrases plus longues, la langue de Goethe ne rentre pas toujours dans les cases prévues par les développeurs...


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