Toutes celles et tous ceux qui
ont un jour joué sur leur ordinateur, ou bien participé à un duel sur console
savent qu'un jeu vidéo réserve souvent des surprises de langage.
La particularité du vidéo game
est d'être un produit mondial. Il a été pensé, conçu pour être vendu, consommé
partout sur la planète. Mais si Lara Croft, Mario Bros et autres Lapins Crétins
ont leurs entrées sur tous les continents, sous toutes les latitudes, ils le
doivent à des traducteurs d'un genre particulier, des localisateurs, des êtres
humains capables d'adapter un jeu à chacune des langues auxquelles il est
destiné.
La localisation linguistique,
puisque c'est son nom, est « le transfert et l'adaptation culturelle d'un
produit à une culture cible ».
Derrière ce charabia marketing,
se cachent une réalité brute, celle de la compréhension et de l'attrait du jeu
dont le principe de base est de s'adresser directement à celui qui tient la
manette, le pad, pour les connaisseurs.
Ainsi, tout doit être traduit à
commencer par les commandes. Dans Super Mario Galaxy, on vous demande de
« souffler sur la bulle en appuyant sur A » pour déplacer le petit
moustachu.
Ensuite, grâce au texte, vous
apprenez ce que l'on attend de vous.
Ainsi, dans Avatar, the game,
votre première mission consiste à « récupérer un arc ». Sans traduction,
votre jeu n'est rien.
Il en va de même pour le nom des
joueurs, de la monnaie, de la présentation de l'heure, de la date, des
onomatopées, de l'argot, des expressions populaires, jusqu'aux préfixes des
numéros de téléphone qui varient selon que vous soyez Turc, Finlandais ou
Indien...
Un jeu vidéo est truffé de
dialogues, de tutoriels, de messages en tout genre. Ce sont eux qui donnent le
ton du scénario. Le texte, autant que les images, participe à l'univers du jeu.
À condition, bien sûr, qu'il soit « localisé ».
Pour cela, les studios
s'adressent d'abord à des traducteurs « insiders », des jeunes gens
initiés, rodés au vocabulaire du genre et généralement payés au mot (en France,
sur la base de 0,05 euro l'unité).
Les
gamers le savent, la plupart des « tableaux cachés », ceux que les
plus malins parviennent à percer, restent dans leur anglais d'origine. Faute de
temps pour les traducteurs.
Pour aller plus vite, le fichier
de chaque langue est scindé en plusieurs blocs et envoyé à plusieurs
« insiders » en même temps. Chacun reçoit donc une partie à
transcrire sous la forme d'un fichier Excel. Sans même posséder le jeu, il
remplit des cases de texte, des modules calibrés desquels il ne faut surtout
pas dépasser sous peine de provoquer des bugs inextricables.
Au terme de ce premier
dégraissage, les fichiers sont « posés » sur le jeu par les
développeurs, qui eux, bien évidemment, disposent du jeu, mais, paradoxe, n'interviennent
pas sur les textes.
Ensuite, le localisateur entre en
scène. À lui de finaliser l'ensemble.
Il corrige les fautes
d'orthographe et de syntaxe, il gomme les phrases maladroites ou insultantes,
il s'assure que les caractères spéciaux sont correctement utilisés, que la
lecture s'effectue dans le bon sens (gauche-droite ou droite gauche selon qu'il
s'agisse du portugais ou du chinois), bref que rien ne nuise au plaisir du
joueur.
Si le travail des traducteurs en
amont a été bâclé, la récupération est plus compliquée. L'emploi de plusieurs
traducteurs ne lui facilite pas non plus la tâche car il faut homogénéiser le
rendu, trouver le ton adéquat.
Mais l'ennemi numéro 1 du
localisateur est le temps. Les lois du marketing sont impitoyables. La sortie
d'un jeu est généralement synchronisée, entendez par là qu'elle se fait partout
dans le monde à la même date. Il faut donc absolument être prêt le jour J et
tant pis si le travail n'est pas terminé. Résultat, les boulettes sont
nombreuses et tout n'est pas traduit. Les gamers le savent, la plupart des
« tableaux cachés », ceux que les plus malins parviennent à percer,
restent dans leur anglais d'origine. Faute de temps. Pour l'anecdote, les jeux
vidéo en version allemande comportent plus de bugs que la moyenne. Avec des
phrases plus longues, la langue de Goethe ne rentre pas toujours dans les cases
prévues par les développeurs...
pour Translateo