The english piège
Dans une note
adressée aux gouvernements
de l'Union, le Parlement
Européen lance un cri d'alarme : nous peinons à recruter des
interprètes et des traducteurs... anglais. Le Parlement incite même l'Angleterre
à redoubler d'effort
pour améliorer ses filières
linguistiques et ne
plus se satisfaire
de son statut de
« global language ».
Ainsi, ce pays est victime d'un effet
pervers : il s'isole du monde parce que sa langue maternelle est adoptée
par tout le monde. Pour comprendre le mécanisme, il faut revenir 30 ans en
arrière.
En posant ses griffes coloniales sur
le monde, l'Angleterre a rendu sa langue universelle. On parle et on chante en
anglais sur les 5 continents. Avec quelques mots de vocabulaire, vous pouvez
commander une bière ou demander votre route à n'importe quel être humain sous
toutes les latitudes. L'anglais s'immisce dans les langues étrangères aussi
sûrement que l'humidité imprègne des draps. Cette suprématie, voire cette
hégémonie linguistique, pousse Margaret Thatcher a prendre une fâcheuse
décision. Nous sommes dans les années 70. Le Mur sépare toujours l'Ouest de
l'Est, l'Europe se structure, la Chine dort encore. La Dame de Fer mise alors
sur l'anglais et juste l'anglais. A l'école, les langues étrangères deviennent
facultatives, les cours se vident, les vocations se raréfient, les programmes
d'échanges linguistiques sont stoppés, le pays se recroqueville sur lui même.
« Le
monolinguisme nous rend vulnérables, à cause de lui les Anglais sont dépendants
de la compétence et de la bonne volonté des autres »
A la fin des années 90, les autorités
britanniques prennent la mesure du désastre. La mondialisation a redistribué
les cartes. L'Angleterre, comme les autres
pays, doit aujourd'hui traiter avec
l'ensemble de la planète. Il apparaît alors évident que si l'autre parle ma
langue, je dois faire l'effort de parler la sienne. Il faut revenir aux
fondamentaux : la notion même de l'échange commence par celui de la
langue.
En mai 2000, le rapport de la
commission NUFFIELD, relayé par la presse populaire, frappe l'opinion
publique. « English is not enough
dit ce rapport remis à la Chambre des Lords, le monolinguisme nous rend
vulnérable, à cause de lui nous sommes dépendants de la compétence et de la bonne
volonté des autres. Ne parler qu'en anglais est synonyme de rigidité et
d'arrogance. Il faut que cela cesse ».
Depuis 2003, les cours de langues
étrangères ont été rétablis au collège. Mais cela ne concerne que 60 % des
établissements. Le pays manque cruellement de professeurs de langue, qu'il faut
également former. Ce chantier de reconstruction est long car il s'inscrit dans
le temps. Toutefois, la pénurie de traducteurs anglais au sein du Parlement
Européen devrait bientôt s'infléchir.
En attendant 65 % des Anglais avouent
ne parler qu'une seule langue. C'est le record en Europe où la moyenne se situe
à 44 % (49 pour la France).
A moins de trois mois des Jeux
Olympiques de Londres, qui vont faire de leur pays le centre du monde, les
Anglais devraient méditer cette phrase du cinéaste italien Frederico
Fellini : « Une autre langue est une autre vision de la vie ».
Nicolas Roiret
pour Translateo
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