Traduire, c'est contrefaire. En
2007, un jeune homme de 16 ans en a fait la brutale expérience. Les gendarmes
ont sonné à sa porte et l'ont embarqué pour une garde à vue qui a duré
plusieurs heures. Son tort ? Avoir traduit les bonnes feuilles du dernier
opus d'Harry Potter et les avoir postées sur internet. Fan du sorcier à
lunettes et plutôt calé en anglais, l'ado, originaire d'Aix-en-Provence n'a pas
attendu que « Les Reliques de la mort » sorte en France. Il l'a
acheté en version originale puis l'a traduit au fil de sa lecture pour en faire
profiter les copains.
En apprenant qu'il n'avait pas
fait commerce de son travail et que sa diffusion était restée confidentielle,
les éditions Gallimard, ont finalement retiré leur plainte.
Traduire un texte, qu'il s'agisse
d'un article comme celui-ci, d'une nouvelle, d'une chanson, d'un roman ou d'un
essai ne peut se faire sans l'accord préalable de son auteur ou de ses ayants droit.
Le texte est protégé, au même titre que la photographie, le disque ou le
cinéma.
Cela semble tomber sous le sens,
chez nous, en France, où le copyright est bordé par des lois à la fois
contraignantes et dissuasives. Or, il n'en est pas de même dans d'autres pays
où, justement, la copie est un sport national. Dans le domaine du livre, les
champions toutes catégories sont le Pérou et la Russie. Le premier inonde le
marché sud-américain, le second, celui de l'ancienne URSS.
Dans son édition du 1er
novembre, le journal anglais The Guardian, raconte l'histoire édifiante de l'écrivain
américain Peter Mountford (photo). Début 2012, celui-ci publie son premier
roman, A
Young Man's Guide to Late Capitalism. À titre personnel, il active une
alerte Google pour
suivre ce qui se dit ou s'écrit à propos de son ouvrage sur le net. Très vite,
il constate qu'un internaute russe, dénommé Alexander III, diffuse des bouts de
phrases de son roman
sur WordReference.com, un site dédié à la traduction.
Imaginez qu'en son temps,
Picasso, de son plein gré, soit venu en aide à un faussaire pour retravailler
un ciel ou une silhouette...
Mountford s'en amuse, se dit
qu'Alexander III, lit son livre malgré quelques lacunes en anglais et utilise
les forums pour demander des éclaircissements. Mais il déchante assez vite en
constatant que des pans entiers de son roman sont désormais en ligne et livrés
à la traduction en russe. Il comprend cette fois qu'Alexander III prépare une
version russe de son ouvrage alors même que son éditeur n'a jamais signé
d'accord.
En Russie, le livre numérique
connaît un essor exponentiel. Plus de 100 000 ebooks sont à la disposition d'un
public culturellement friand de lettres. Les ventes de liseuses explosent et
pour les alimenter, des éditeurs sans scrupules traduisent des ouvrages
étrangers sans s’acquitter des droits d'auteurs. Ces livres ne sont pas pour
autant moins chers, les traductions sont souvent de piètre qualité, les gains
considérables. Avec l'ebook, les pirates s'émancipent des rotatives et du
papier. L'éditeur véreux fait appel à des petites mains pour traduire tel ou
tel livre venu d'ailleurs, en sachant qu'il ne risque rien sur le plan pénal.
Voilà qui est rageant. Dans un
premier temps, Peter Mountford tente d'entrer en contact avec Alexander III.
Pour le raisonner, le convaincre d'abandonner son projet. En vain. Alexander
III disparaît aussitôt de la Toile puis réapparaît, quelques semaines plus
tard, pensant s'être fait oublier.
Mountford revient vers lui mais
cette fois animé d'une autre intention : il lui propose de l'aider à
traduire son propre roman !
« La vente des droits d'un
livre à la Russie relève de l'utopie, explique t-il dans The Guardian, le
marché noir de l'ebook y est trop puissant. Je me suis donc dit, quitte à être
traduit en russe, autant que ce soit fait correctement, c'est à dire avec mon
aide, celle de l'auteur ».
Effet pervers de la mondialisation,
l'artiste fraternise avec son pirate...
Imaginez qu'en son temps,
Picasso, de son plein gré, soit venu en aide à un faussaire pour retravailler
un ciel ou une silhouette...
pour Translateo
1 commentaire:
bonjour, est-ce qu'il ne faut pas écrire "et les avoir postéES" ?
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