L'objet de cet
article m'est venu
il y a quelques jours, à l'heure du
café. Comme chaque matin, l'esprit un peu embrumé, je
sirotais une tasse
en surfant sur le net.
J'avais mis la
radio et prêtais une
oreille distraite
à un brouhaha
d'ambiance fait d'infos et de
réclames.
Et puis, alors
que j'avais les yeux
rivés sur l'écran,
un mot s'est incrusté
dans mon conduit auditif,
un mot court et
inconnu, une sorte
de Gremlin sonore qui
revenait sans cesse :
niute ! proclamait
une voix féminine,
jeune et nasillarde.
Agacé autant qu'intrigué, je finissais
par débusquer ce « niute ». Il débutait et
clôturait chaque spot publicitaire pour la marque Ikea. Or rien dans le message
n'indiquait sa signification.
Pourtant, depuis la loi Toubon (1994)
et sa circulaire d'application (1996),
vous pouvez employer des mots
étrangers dans une publicité à condition de les traduire en français de manière
parfaitement visible et/ou audible.
Pour faire respecter ces règles, il existe
un gendarme, l'Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP),
anciennement le Bureau de Vérification de la Publicité, qui passe au crible la
réclame, reçoit les plaintes et délivre ses recommandations.
Et la tâche n'est pas aisée.
Prenons un exemple : si j'utilise
« low cost », « hotline », « playlist » ou
« drink » dans une publicité, je dois traduire. A l'inverse, si
j'emploie « smoothie », « geek », « smartphone »,
« buzzer » ou même « e-learning », rien ne m'y oblige ...
Pourquoi ces derniers et pas les autres ? Parce qu'ils ont été
intégrés récemment dans le dictionnaire (par l'Académie Française, le Larousse
ou le Robert) et qu'ils sont de fait français...
Au regard de la
cible visée, c'est à dire les trentenaires, la marque fait preuve d'une
originalité très consensuelle
Dans un rapport remis en 2009, l'ARPP
relève déjà que tout concoure à « défranciser » les pubs. On peut
s'agacer par exemple de ces spots pour des parfums de luxe où la voix off
ânonne le nom de la marque et son slogan en français avec un accent anglo-saxon
à couper au couteau.
Mais il y
a plus embêtant.
L'Autorité rappelle
que si un slogan
doit être compris et
donc traduit, la marque,
elle, échappe à cette
obligation.
C'est une brèche dans laquelle
s'engouffrent les directeurs
marketing.
Ainsi, Afflelou
propose ses lunettes
Fourty (quarante)
destinées aux quadras
puis lance l'opération
Next Year (l'année
prochaine) pour signifier
à sa clientèle
qu'elle peut désormais
différer ses paiements.
Les exemples abondent
de marques simples qui
se déclinent en sous-marques
à rallonges le plus
souvent anglicisées :
SFR Business Team, Signal
Right Now, Dove Go
Fresh, Samsung Player
Style etc... On s'invente ainsi une marque-slogan
très pratique : mon nom vous explique ce que je vous propose sans que j'ai
à traduire.
Mais revenons à notre
« niute » initial, celui des spots Ikea. J'ai du me rendre sur le
site de la marque pour en savoir plus. Son orthographe exacte est njut. D'après
l'annonceur, ce petit mot suédois signifie, « profiter, vibrer,
s'éclater ». Au regard de la cible visée, c'est à dire les trentenaires,
le spécialiste du meuble en kit aurait pu faire preuve d'une originalité moins
consensuelle et oser traduire « njut » par « kiffer ». Mais
bon, dans la pub, le traducteur n'a guère son mot à dire.
pour Translateo
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