Le latin, une langue morte ?
Pas vraiment, car au Vatican, le pape Ratzinger veille à entretenir la flamme.
Réputé pour sa ligne « traditionaliste », voire conservatrice, Benoît
XVI vient de lancer un vaste programme de réhabilitation de la sacro-sainte
langue.
Il faut dire que l'affaire est
d'importance car le latin est en perte de vitesse. Enseignée jadis aux âmes
bien nées, modèle de sérieux et de poésie, la langue de Cicéron n'a aujourd'hui
plus la côte. À l'école, dans les universités, on lui préfère le mandarin ou
l'arabe, des langues bien vivantes, elles, aux applications réelles et
concrètes.
Pour comprendre ce déclin
relatif, il faut revenir à 1965 et la promulgation de Vatican II. Cette année
là, l'Église, dans un souci de modernisation, abandonne la messe en latin au
profit de la langue natale de ses paroissiens.Pour beaucoup de
traditionalistes, c'est le début de la fin.
Pour autant, depuis des siècles,
le latin est la langue officielle du Saint-Siège. Textes, décrets, notes
internes et publications en tout genre sont libellés dans la langue de Jules
César. Même les quelques distributeurs automatiques de billets de banque en
service au Vatican donnent leurs instructions en latin...
Alors comment faire pour tenir un
langage moderne en disposant d'un vocabulaire antique ? Ou plus
prosaïquement, comment aborder des thèmes comme le mariage gay, les nano
technologies, le binge drinking ou les énergies renouvelables dans un rapport
en latin alors que ces mêmes mots n'existent pas ?
En 2009, alors qu'il doit rédiger
une encyclique (lettre adressée aux évêques du monde et destinée à l'ensemble
des croyants) sur la crise économique et financière, Benoît XVI constate que le
latin, dans son vocabulaire, affiche un retard considérable sur la société. Il
décide donc de créer une douzième académie pontificale, l'Académie de latinité,
qui vient officiellement de voir le jour, le 10 novembre 2012.
Le
dico moderne compte près de 15 000 mots qui vont d’internet (inter rete) à
mini-jupe (tunicula minima) en passant par flirt (amor levis) et tire-bouchon
(extraculum).
Elle remplace de fait la
fondation Latinitas, fondée par Paul VI en 1976. Jusqu'à présent, cette
fondation rassemblait annuellement une commission d'experts qui avait la lourde
tâche d'élaborer les néologismes du latin « de tous les jours » et de
les éditer périodiquement sous la forme d'un lexique. Le dernier en date, sorti
en 2003, compte près de 15 000 mots qui vont d’internet (inter rete) à
mini-jupe (tunicula minima) en passant par flirt (amor levis) et tire-bouchon
(extraculum).
À l'Académie de latinité,
désormais, d'inventer le latin branché. Elle promet de revigorer la langue, de
la calquer au plus près sur notre époque et de réactualiser fréquemment son
dictionnaire.
Vaste programme car pour
fabriquer un mot, il existait jusqu'ici, deux façons de faire, plus ou moins
discutables. La première consistait à prendre le mot tel quel et à le
« latiniser » en apparence. Exemple, un punk se dit punkianae
catervae assecia ou bien un ordinateur devient, instrumentum computarium, Dans
les deux cas, la racine du mot est anglo-saxonne, punk et computer. La seconde
voie, plus commune, revient à agréger plusieurs mots d'origine latine pour n'en
désigner qu'un seul.
Ainsi, un blue jean se traduit
bracae lintenae caeruleae (pantalon en coton bleu) ou un enfant gâté, puer
indulgentia depravatus (enfant perverti par l'indulgence).
Avec l'Académie de latinité, le
Pape entend remettre bon ordre dans ce latin moderne, qui semble chercher ses
mots. La Civilta Cattolica, journal influent des Jésuites, a relevé de
nombreuses invraisemblances dans l'attribution de ces nouvelles définitions.
Ainsi, pourquoi utiliser systématiquement deux, trois, voire quatre mots pour
en traduire un ? Pourquoi, également, passer outre la latinité d'un mot
pour en fabriquer un autre ?
Exemple, si je prends le mot
« référendum », mot d'origine latine, la logique voudrait que je le
traduise par referendum (sans accents) en latin moderne. Eh bien, non, trop simple.
Référendum devient « ad populum provocacio ». De quoi en perdre son
latin...
pour Translateo