Mamihlapinatapei. Voilà un
mot qui a de
quoi impressionner. Il
est long, beau, rythmé, il
sonne comme une formule de magicien. Pourtant, c'est un
cauchemar de traducteur
...
Pourquoi ? Parce qu'il
n'existe pas dans
d'autres langues.
En Yagan, un dialecte
parlé en Terre de
Feu (Argentine), « mamihlapinatapei »
désigne cet instant
particulier où deux
personnes sont sur
le point de commettre
la même action tout
en luttant contre leurs
réticences. C'est le préambule
du passage à l'acte,
ce moment de grâce
qui précède le premier
baiser...
Sur le site
BigThink, l'Américaine
Pamela Haag s'amuse
à recenser des mots
rares, des mots qui n'ont pas d'équivalent dans une autre langue et qui,
souvent, désignent un sentiment,
une humeur, une sensation, une situation
propre aux relations
humaines.
Ainsi, elle met
en lumière le mot
français « retrouvailles » qui
désigne la rencontre de
personnes qui ne
se sont pas vues
depuis un certain
temps et qui prennent plaisir à le faire.
Dans tous les pays
du monde se déroulent
des « retrouvailles », or
seuls les Français
leur ont donné un
nom.
Si je veux
traduire « nous
fêtons nos retrouvailles »
en anglais, je vais
devoir faire un
choix ; je peux utiliser
les mots creux dont
je dispose (comme « reunion »
ou « meeting ») et
je les gonfle à
l'aide d'une formule
qui s'ajoute à la
phrase. Exemple :
« We're celebrating our getting back together just like old times »,
littéralement, « nous
fêtons notre rencontre
comme au bon vieux
temps ». Autre solution,
je décide de donner
la définition de
« retrouvailles » dans la
traduction même, ce qui donne « We're celebrating our getting
back together just like old times » (nous fêtons
le fait que nous
sommes contents
de nous retrouver). Mais on le voit,
la singularité de « retrouvailles » rend la
traduction très compliquée avec un résultat
médiocre ou décalé.
Ces mots qui n'existent
que dans une seule langue sont d'une infinie beauté car ils portent en eux une
réalité culturelle.
Un mot qui
n'a pas d'équivalent
dans une autre langue
est-il pour autant
« intraduisible » ? En portugais,
« saudade » exprime un désir
vague et constant
pour quelque chose ou
quelqu'un qui n'existe
pas, ne peut exister ou
n’existe plus. Un amour d'enfance, un proche
disparu, un animal de compagnie, une maison, un pays, nous avons tous un
saudade qui hante notre cœur. Pourtant, seuls les Lusitaniens ont donné un nom
à ce sentiment à la fois très personnel et connu de tous.
Encore une fois, si je veux le
traduire, je dois l'expliquer.
Mais il y a encore plus compliqué. Prenez un iunga en
Afrique subsaharienne. En langue bantoue, cette personne a la particularité de
pardonner une première faute, de tolérer la seconde et de punir pour la
troisième. Culturellement riche, ce mot englobe à lui seul un système de
justice sociale. Une mère, un professeur d'école, un patron, tout représentant
d'une autorité est iunga.
Comment le traduire dans une autre langue sans un alinéa
explicatif ?
Ces mots qui n'existent que dans une seule langue sont d'une
infinie beauté. Leur « intraduisibilité » (mot français inventé) est
leur richesse. Ils expriment bien plus qu'un sentiment, ils portent en eux une
réalité culturelle. Si un peuple a désigné une humeur, c'est bien qu'il s'y
retrouve.
Les Norvégiens ont tous été « forelsket » un jour.
Ce mot désigne l'état d'euphorie dans lequel vous êtes lorsque
vous tombez amoureux.
En français, on pourrait le traduire par « sur un nuage d'amour »...
Ce qui n'est pas mal non plus.
pour Translateo