Dans le vaste
domaine de la
traduction, les titres
de films occupent
un genre à part.
On ne sait plus
d'ailleurs s'il est
préférable de parler
d'adaptation plutôt que
de traduction tant,
parfois, le titre
original n'a plus
rien à voir avec
le titre en français.
En fait, le titre
d'un film étranger
distribué en France
est l'affaire... du
distributeur. Simple. Comment
s'y prend-t-il ? En
général, il réunit
une équipe de « créas »
avec laquelle il brainstorme
sans s'imposer de règles...
de traduction. Un
peu de sémantique,
pas mal de marketing,
une pincée d'air du
temps et le tour
est joué.
En ce moment,
vous l'aurez remarqué,
la tendance est au
titre original en anglais
traduit en anglais
mais avec un autre
titre. Prenez l'emblématique Very
Bad Trip. On peut
penser qu'il s'agit
du titre original
mais non, le « vrai »
est The Hangover,
la gueule de bois.
Le sens est-il respecté ? Oui, même si le « français » renvoie
aux drogues dures (les héros du film prennent du GHB) alors que l'« américain »
se focalise sur l'alcool.
En vérité, Very Bad Trip est
terriblement efficace. Il regroupe trois mots courts et fonctionne comme une
formule immédiatement assimilable.
Les Américains font pareil avec nos
films. La Môme, par exemple, est rebaptisé La Vie en Rose, tandis que Cloclo
devient My Way...
De la même façon, on constate que les
films destinés aux ados arborent souvent un titre en anglais jugé plus tonique
et plus branché. American Pie,
Scream, Saw, Fame, Flashdance, Dirty Dancing, Stuart Little, Big Mamma, Basket
Academy, Girls of America sont quelques exemples parmi des
milliers d'autres.
S'il devait sortir
aujourd'hui, Vol au-dessus d'un nid de coucou pourrait s'appeler La Clinique de
l'enfer ou Bienvenue chez les dingues...
En 1980, Y a-t-il un pilote dans
l'avion ? (ou Airplane ! dans sa version originale), a ouvert une
nouvelle voie. Celle du titre en Yatil. Le film a eu un tel succès en France à
l'époque que des petits malins développent le concept avec Y a-t-il quelqu'un
pour sauver la reine ? (The Naked Gun). Suit une interminable liste de
navets jusqu'au dernier recensé, Y a-t-il quelqu'un pour tuer ma femme ? (Ruthless
People) avec Danny DeVito et Bette Midler en 2006.
Dans les années 90, des mots ont
surgi, suscitant un engouement irrationnel à la manière de prénoms à la mode.
On les a déclinés à toutes les sauces. Prenez le mot « piège ». Il
est à l'affiche en 1988 avec Piège de Cristal (Die Hard). Peu de temps après,
en 1992, il remplit les salles avec
Piège en haute Mer (Under Siege) et devient, dès lors, le mot magique à coller
partout.
Il n'est pas le seul.
« Enfer » concerne à peu près tout et n'importe quoi, l'Enfer du
dimanche (Any Given Sunday), du devoir (Rules of Engagement), des zombies
(Zombies 2), une journée en enfer (Die Hard with a Vengeance), les Ailes de
l'enfer (Con Air), etc.
Un autre ?
« Bienvenue ». Si le titre original désigne une ville, une région, un
endroit, le traducteur se charge de le faire précéder du mot « bienvenue ».
Bienvenue à Gattaca (Gattaca), Bienvenue au cottage (The Cottage), Bienvenue à
Zombieland (Zombieland), Bienvenue à Cedar Rapids (Cedar Rapids), Bienvenue à
Monte Carlo (Monte Carlo), ne représentent qu'un petit échantillon de cette
fâcheuse manie.
Plus rigolo encore, les titres de
films asiatiques. Sur les forums, les amateurs se plaignent des libellés à la
française qui fleurent bon le cliché. Le long métrage du Sud-Coréen Hong Sang-soo
(sortie de 16 mai) aura pour titre Matins calmes à Séoul alors que le titre
original est The Day He Arrives. Pour la petite histoire, l'essentiel du film
se déroule la nuit...
Pour se rendre alléchants, les titres
de films se doivent de claquer comme des slogans, quitte à s'asseoir sur la
poésie : quelle serait aujourd'hui la traduction de A Flew Over The
Cuckoo's Nest (Vol au-dessus d'un nid de coucou) en supposant que le chef d'œuvre
de Milos Forman - sorti en 1975 - soit distribué aujourd'hui en France ?
Je vous laisse choisir entre La Clinique de l'enfer, Piège à l'hôpital,
Underpressure (Sous Pression), L'affaire McMurphy (le nom de Jack Nicholson
dans le film), Le Nid du Coucou, et un dramatique Bienvenue chez les dingues...
Nicolas Roiret
pour Tanslateo.