Bourdes à la une
Les médias aussi font des
erreurs de traduction. La faute au numérique, à l'accélération des flux
d'infos, les journalistes se dédouanent. Pourtant, en février, trois affaires,
que l'on pourrait qualifier de « boulettes linguistiques », jettent
un éclairage cru sur des transcriptions à la fois partisanes, médiocres et
tronquées d'informations sensibles. Démonstration.
Le 5 février, alors qu'il ne
parle plus à la presse anglaise depuis plusieurs jours, l'Italien Fabio
Capello, sélectionneur de l'équipe de football d'Angleterre, est l'invité d'une
émission sur Rai Uno dans laquelle il critique ouvertement les dirigeants de la
FA, la Fédération Anglaise, qui est aussi son employeur. Ses déclarations sont
immédiatement reprises sur Twitter par des journalistes italiens puis par les
agences d'informations locales. Elles se dispersent ensuite sur la toile avant
d'être traduites à leur tour par des journalistes anglais qui profitent de
l'aubaine pour alimenter le « Capello bashing ».
En effet, tancé outre-Manche
pour son manque de résultats, pour son salaire exorbitant, pour sa nationalité
et pour plein d'autres raisons obscures, Capello est devenu la tête de Turc des
tabloïds anglais. Ses soi-disant propos, tenus sur la Rai, font les gros titres
le lendemain. En fait, ils font dire à Capello des mots qu'il n'a jamais
prononcé. Mais s'estimant insultée, la FA le congédie immédiatement. Sans autre
forme de procès.
Le 8 février, une
dépêche AFP, émise par le correspondant de l'agence de presse à Berlin, met les
rédactions françaises en émoi. Elle annonce que, face au froid persistant,
l'Allemagne a décidé de rouvrir deux de ses huit centrales nucléaires arrêtées
depuis le printemps sur décision politique. En cette période de campagne présidentielle,
les prises de décisions du gouvernement allemand sont scrutées à la loupe.
Le Parisien, France Inter,
Le Figaro publient la nouvelle sans se demander si une centrale nucléaire se
rallume aussi simplement qu'une chaudière domestique. Car l'info est bidon.
Elle est tirée d'un article à paraître le 9 février dans le quotidien économique
allemand Handelsblatt. C'est en relisant ce fameux papier que l'AFP réalise
qu'elle a commis une faute de traduction. L'Allemagne remet bien deux centrales
en service mais elles sont thermiques et en aucun cas nucléaires. Un
rectificatif est alors envoyé.
Faire de l'esprit devant un
journaliste étranger est un exercice périlleux.
Le 14 février, la
publication d'un article dans The Guardian, un quotidien britannique, soulève
une vive polémique autour de François Hollande. Dans ce papier, qui lui est
consacré, le candidat socialiste à la présidentiel déclare, « Il n'y a
plus de communistes en France ».
Une remarque qui déclenche les foudres de Jean-Luc Mélenchon et des
dirigeants du PC. Mieux, elle est reprise par Nicolas Sarkozy lors de son
meeting de campagne à Annecy.
Or, The Guardian, le jour
même, apporte un rectificatif à l'article paru et tente d'éteindre l'incendie.
Il replace la citation du Français dans son contexte et reconnaît qu'elle a été
tronquée. Ainsi, François Hollande a précisément dit : « Les années
80 étaient une époque différente. Les gens disaient qu'il y aurait des chars
soviétiques sur la place de la Concorde. Cette époque est révolue, c'est de
l'histoire. C'est normal qu'il y ait eu de la peur à ce moment-là. La droite
était au pouvoir depuis 23 ans. Il y avait la guerre froide, et Mitterrand
avait nommé des communistes au gouvernement. Aujourd'hui, il n'y a plus de
communistes en France. Ou plus beaucoup... ».
L'erreur revient cette fois
à l'auteur de l'article, qui s'est contenté de traduire ce qu'il voulait
entendre sans tenir compte de la « Hollande Touch », de ce petit
trait d'humour voire de cette malice qui agrémente parfois son langage.
On peut toutefois relever
que faire de l'esprit devant un journaliste étranger est un exercice périlleux
car il défie les lois de la traduction.
Nicolas Roiret
pour Translateo.