Nous sommes le 1er
août 1996, à Atlanta. En direct sur France 2, l’Américain Michael Johnson, surnommé la « loco
de Waco », remporte la médaille d’or olympique du 200 m et bat au passage le
record du monde. Alors que l’athlète s’apprête à rejoindre les vestiaires, il
est harponné par un Nelson Monfort survolté qui lui pose une première question
à rallonge, truffée de redites et de superlatifs. Johnson répond de bonne
grâce. Monfort traduit alors ses propos avec l’emphase qu’on lui connaît. Vient
alors la seconde question, que le journaliste à l'ego montgolfière pose en s’écoutant
parler, sans même regarder son interlocuteur. Exaspéré, Johnson quitte l’interview
séance tenante et met à notre showman polyglotte le plus beau vent de sa
carrière.
Une carrière télévisuelle qui démarre en 1987, sur FR3, à
l’occasion d’un tournoi de tennis féminin, celui du Cap d’Agde. Pour sa
première interview, Nelson Monfort a face à lui les championnes Martina
Navratilova et Chis Evert. Aidé par son look BCBG, son sourire jovial et un don
inné pour les ronds de jambe, il emboîte le pas des puissants. En 1991, à
Roland-Garros, il suit Bill Clinton aux toilettes et obtient une brève entrevue,
une sorte de scoop à l’arrache...
Mais c’est un an plus tard, alors qu’il est propulsé
« intervieweur-traducteur » pour France Télévisions lors des JO de
Barcelone, qu’il accède à la notoriété. Les Français découvrent, amusés ou agacés,
un énergumène au micro dans la main droite, la main gauche sur l’oreillette,
qui fait ami-ami avec Carl Lewis, pose ses questions en anglais, les traduit
puis retranscrit succinctement les réponses en se donnant la part belle. Et
puis il y a ce phrasé roucoulé, les intonations en montagnes russes, cette
fâcheuse habitude d’en faire des tonnes, de surjouer l’entretien pour, au
final, crever l’écran. Le style Monfort est né, il ne variera plus.
La langue de bois des
sportifs l’incite à broder, à mettre un peu de gras dans des déclarations
uniformes. Son ego fait le reste.
Un exemple ? Dix-sept ans plus tard, en 2009, lors des
championnats du monde d'athlétisme à Berlin, Nelson Monfort intervieweUsain Bolt, qui vient de pulvériser le record du monde du 200 m. Il
lui pose deux questions. En retranscrivant la première, il ne termine pas sa
phrase. Cela donne : « Je me sens tout simplement heureux, comblé, j’ai
vraiment fait de mon mieux. Ce soir, c’est le résultat... », et hop, il
enchaîne sur la seconde question. Cette fois, il traduit les propos de Bolt, en
prenant un raccourci : « J’étais fatigué à l'entraînement, et cetera ».
Deux exemples à ne pas suivre pour un professionnel de l’interprétariat.
A sa décharge, Nelson Monfort travaille dans des conditions
peu propices à une conduite rigoureuse. Les clameurs de la foule, l’euphorie du
moment, les officiels qui le pressent, l’obligent à faire vite. Ajoutons que la
langue de bois des sportifs l’incite à broder, à mettre un peu de gras dans des
déclarations uniformes. Il avouera sur l’antenne de Grand Lille TV :
« Ce ne sont pas des traductions littérales, je ne fais que retranscrire
du sens ».
Une nuance de taille pour ce journaliste qui se destinait au
départ au monde de la finance. Fils unique d’un colonel de l’armée américaine
et d’une néerlandaise, Nelson Monfort répète à l’envi qu’il possède « une
culture internationale » à défaut d’être un expert linguistique. Il
explique parler couramment l’anglais, l’espagnol et posséder « de solides
bases » en italien et en allemand. Diplômé de Sciences Po, il a vécu un an
à San Francisco (1976), dont il est revenu, dit-il, parfaitement bilingue. Un
bagage en tout cas suffisant pour en avoir fait le Monsieur Traduction du PAF.
C’est aussi du grain à moudre pour ses détracteurs, qui le
raillent en affirmant qu’il parle la « Nelslangue », une langue
connue de lui seul...
pour Translateo.